Vanoise

Vanoise
Au Col Rouge

vendredi 2 septembre 2011


R82/R83
Le RIFUGIO STUETTA est un refuge dans lequel règne une atmosphère chaleureuse, mais aussi apaisante... Les anciennes boiseries, les plafonds en bois, la montée d'escaliers y sont certainement pour beaucoup, les chambres aussi...
Belle ambiance dans cet ancien refuge.
Le jour se lève avec une lumière différente... un peu grise, et un ciel voilé qui commence à se charger avec de gros nuages.

Je déjeune, puis c'est un nouveau départ... Direction ISOLA par la GOLA DEL CARDINALE. C'est un très ancien chemin muletier taillé dans la roche d'une gorge aux parois quasi verticales et déja parcourue à l'époque romaine. La descente s'effectue grâce à des marches, sur un tracé relativement large et équipé par endroits de mains courantes. Il y a quelques certains points de vue vraiment impressionnants.
Bien évidemment à cette heure, l'endroit est désert et cela renforce l'austérité et le caractère sauvage de la gorge !
Les troupes de Napoléon empruntèrent ces gorges et de nombreux soldats furent emportés par des avalanches...

Je passe sur l'autre versant de la gorge, poursuivant la descente au soleil jusqu'au petit et magnifique hameau de RASDEGLIA posé à flanc de montagne avec ses chalets de pierres et de madriers brunis par le soleil et les balcons décorés de géraniums.
Une habitante me confirme l'itinéraire pour ISOLA afin de faire quelques courses, et m'indique un raccourci pour rejoindre directement le VAL FEBBRARO et le col PASSO DI BALDISCIO / 2350 m d'où je compte rejoindre PIAN SAN GIACOMO / 1203 m dans le VAL MESOLCINA en Suisse.

Le temps s'assombrit vraiment et pour éviter de perdre du temps à descendre jusqu'à ISOLA, je lui demande si elle accepterait de me céder un peu de pain... C'est d'accord d'autant plus que la tournée du boulanger est proche ! Elle me vend également un gros morceau de fromage de montagne qu'elle coupe directement dans une meule encore entière, à même le sol de la cave... Son mari en est petit producteur.
C'est donc chargé d'un peu de nourriture que je reprends la route. Le temps est devenu gris et orageux...
Par un chemin de traverse surplombant ISOLA, j'arrive dans le VAL FEBBRARO. Ses différents alpages et les abords du PASSO DI BALDISCIO ont fait l'objet de recherches archéologiques et des traces d'une très ancienne occupation humaine ont été trouvées.
Au hameau de STABISOTTO j'interroge quelques habitants sur la suite de l'itinéraire. Ils sont très perplexes quant à mes chances de franchir le col aujourd'hui :
-   " C'est très long et difficile, alors avec l'orage qui arrive "
-   "J'ai de très mauvais souvenirs de l'itinéraire vers et au retour de  PIAN SAN GIACOMO, lorsque je faisais de la contrebande de cigarettes... Mais j'étais jeune et il fallait manger. C'était une autre époque. "
Bref, qu'est-ce que je fais là...! Je reprends courage lorsqu'ils m'indiquent la présence d'alpages et de chalets, plus haut en direction du Passo.
Vaguement inquiet, je repars rapidement. La VIA ALPINA emprunte d'abord un chemin forestier le long du torrent. Puis, après une cascade et un changement de versant, le chemin devient sentier sous les sapins et les mélèzes, suivi de quelques passages en clairières pour évaluer la progression.
A cette rude et longue montée en forêt succède une traversée de plusieurs alpages. J'arrive au hameau de BORGHETTO / environ 1900 m, quand je suis surpris par un très violent orage... Je fonce me mettre à l'abri sous l'appentis d'un gros chalet. L'endroit est habité par une petite équipe d'alpagistes... ils ne sont pas très optimistes pour la suite de la journée... moi non plus d'ailleurs !


Le fermier m'engage à repartir "subito " m'expliquant que je dispose de deux/trois heures maxi pour franchir le col et que la neige est annoncée pour la soirée et la nuit prochaine !
La pluie s'arrête et je repars équipé pour la pluie qui ne tarde pas à reprendre... et toujours sous l'orage.
Dans un petit couloir à proximité du LAGO GRANDE, je croise un couple de jeunes randonneurs SUISSE en route pour ISOLA.
Ils seront les seuls de la journée...
Le secteur a fait l'objet de recherches, puis de fouilles et de nombreuses traces attestent de la présence de groupe humains depuis le Néolithique vers 6000 / 5000 ans avant JC. On trouve ici des "pierres à cupules" également gravées d'autres symboles préhistoriques... et sur un rocher, côte à côte, quelques cupules et le balisage de la VIA ALPINA.
Quel étrange et symbolique raccourci du temps qui passe !
Cette occupation humaine temporaire s'est ensuite développée et d'autres traces, datées de l'âge du Bronze, vers 3000 / 3500 ans avant JC on été également retrouvées, en particulier des outils, du charbon de bois et des cendres.
C'est de cette époque que date également le sentier qui traverse le col. Je regrette amèrement de ne pas avoir plus de temps pour observer ce paysage qui est aussi terre d'histoire, mais j'ai aussi appris qu'en montagne il faut être lucide et savoir renoncer.
Au PASSO DI BALDISCIO / 2350 m souffle un vent violent. Le ciel est très sombre et il recommence à pleuvoir.
J'entame la descente. Il y a quelques vagues traces sur les rochers... juste de quoi se perdre !
Je pars sur le mauvais côté du vallon et récupère le sentier en traversant le torrent puis en remontant une vire glissante, accroché aux herbes et sous la cascade d'un premier verrou glaciaire. Un peu limite dans de telles conditions et en solo ! Heureusement ça passe ...
Le vallon devient à nouveau plus étroit et le sentier se transforme en rocher d'escalade pour franchir un nouveau pas. La cape de pluie me gêne pour voir où je pose les pieds. Je saisis la partie basse du tissu entre les dents et jette les bâtons au pied des rochers pour mieux assurer et ajuster mes prises.
Cela devient beaucoup moins amusant... Enfin un replat, l'ALP DI BALDISCIO, que je traverse pour arriver à un passage qui donne accès vers la vallée. Et toujours pas de chalet ou d'abri pour poser le sac... et souffler un peu !
Et voilà la surprise : "Chic un  toboggan  !"...
C'est la première impression que donne le sentier quand je prends subitement conscience des  difficultés  et des 1100 m de dénivelé à venir ! Je ne suis pas encore en bas...

En fait, je suis très en colère d'être là et d'avoir encore à descendre sous l'orage jusqu' au pied du PASSO SAN BERNARDINO.
J'avance prudemment sur ce sentier raide et glissant car il pleut par intermittence. Après une première partie plus ou moins en lacets dans une combe raide et étroite, la trace oblique vers des bois... les rochers humides et moussus, les aiguilles de sapin sont autant de pièges !
Il fait de plus en plus sombre... Par endroit, sur ce terrain très escarpé, le sentier fait vraiment abandonné, en particulier les passages avec des échelles et des câbles. Sans trop de casse, je finis par arriver à proximité de PIAN SAN GIACOMO.
C'est un lieu résidentiel avec des chalets relativement dispersés, mais aucun centre avec quelques commerces et un peu d'animation  !
Le bourg le plus proche est MESOCCO / 766 m à 1h30 de marche !
Je cherche un endroit pour poser le sac et dormir mais jusqu'à présent je n'ai vu qu'un abri-bus. C'est alors que je croise un couple qui m'indique un hôtel- restaurant à 300 / 400 m... Il n'y a pas de possibilité d'hébergement car l'établissement est fermé pour travaux. En dernier recours, le gérant sort une carte de visite glissée sous le miroir du bar et téléphone à des particuliers qui tiennent un  "B and B".
En attendant, il m'offre une bière! Je dois vraiment avoir l'air fatigué !
Quelques minutes après, je suis sous la douche, puis devant un plat de spaghettis et un verre de "Merlot du Ticino "... La vie est belle mais la journée a été vraiment très rude !

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