Vanoise

Vanoise
Au Col Rouge

lundi 16 juillet 2012

R 106/2


Matin brumeux et dans le brouillard... Nuit passable dans un dortoir plein. J'avais oublié les inconvénients des ronflements et des levers nocturnes au clair de lune !
À l'auberge je récupère une carte du Vallon de NANT o% se déroule l'itinéraire du jour. Je dois grimper et passer au COL DES PERRIS BLANCS / 2544m avant de redescendre sur un refuge au dessus de la Vallée du RHÔNE.
Ce vallon est une réserve naturelle... le titre de la plaquette qui fait office de carte est évocateur... "Des chamois à la place des chars". L'histoire et surtout le destin de ce très beau vallon parcouru et étudié par des naturalistes depuis le 18è siècle a failli basculer lorsque, dans les années soixante les militaires suisses voulurent y implanter un champ de tir !
A la suite de multiples contestations le vallon fut classé. Il est désormais protégé par une convention et site classé PRO NATURA.
Donc pas besoin de casque de combat pour remonter le chemin forestier !
Après un long passage en forêt un peu lugubre car dans le brouillard, j'arrive sur l'alpage de NANT / 1500m. Quelques chamois jouent à proximité de vieux chalets... Ils n'ont pas encore senti ma présence. J'essaie quelques photos puis ils disparaissent dans les pentes.
Retour sur la trace devenue petit sentier et qui monte fortement pour franchir plusieurs ressauts rocheux du cirque glaciaire sur lequel vient buter le vallon...
Alors je grimpe, virage après virage, pierre après pierre et toujours dans d'épais nuages de brouillard. Parfois quelqu'un, peut être.., laisse entrevoir quelques rayons de soleil ou une des cimes enneigées qui m'environnent désormais.
Je ne sais plus si c'est l'épais brouillard ou la visière de la casquette... toujours est-il que je prends une mauvaise direction vers le COL DES MARTINETS / 2615 m ! Il n'y a bientôt plus de traces car elles sont désormais masquées et recouvertes par les névés sur lesquels je marche depuis un bon moment. Coup d'œil sur la carte... je dois redescendre à l'altitude 2084m et prendre le tracé de droite...
C'est reparti, le moral un peu dans les chaussettes et le sac qui devient lourd !
Je perds à nouveau la trace pour la retrouver de l'autre côté d'un vaste névé. Le sentier repart dans de longs virages et toujours sur de raides pentes herbeuses J'aperçois le ciel et les nuages qui traversent rapidement le ciel juste au dessus de la tête... Je dois approcher du Col. J'y suis, un peu par surprise et presque déçu !
La descente s'effectue sur un versant pierreux fait de lauzes et de schistes prêts à dévaler.
C'est pentu et il y a également de belles traversées avec quelques passages aériens... De temps à autre j'aperçois le REFUGE DE LA TOURCHE / 2182m ainsi que le RHÔNE qui s'agite une dernière fois en quelques ondulations avant d'aller se perdre et se diluer dans le LAC LEMAN, tout au fond du paysage, sous les nuages.
Petite pause au refuge et échanges sympathiques avec la gardienne du refuge et une de ses amies venue en voisine… Elle habite de l'autre côté de la crête. Nous discutons C.F. RAMUZ, G.SEGANTINI , École de SAVIEZE... mais aussi plissements Alpin car elle est géologue ! Au total un vrai moment de Via Alpina, pour ne pas oublier que les ALPES sont terres des hommes et de leur histoire.
Le temps passe vite et je dois me décider... finalement je reste pour la nuit au refuge, véritable nid d'aigle au dessus de la vallée... Somptueux !


R 106


Je suis réveillé par les sonnailles des troupeaux... heureusement !

Bon petit déjeuner et en route, direction plein sud vers le COL DES ESSETS / 2015 m. Il fait beau mais le ciel se couvre rapidement... Il devrait pleuvoir dans l'après midi. Rapide et agréable descente vers l'alpage de LA VARE / 1768 m admirablement situé sur un petit col à proximité d'un verrou glaciaire et à l'entrée d'un beau pâturage. Plusieurs vieux chalets font le décor ainsi que deux yourtes !
Je poursuis la descente sous les premières gouttes de pluie. Subitement la forêt s'imprègne d'un étrange silence... Je suis seul. Traversée rapide du petit d'alpage LE RICHARD / 1533 m suivit d'une descente mouillée et glissante sur le vieux chemin empierré. Je suis toujours étonné et admiratif des efforts fournis par tous ces générations de "paysans des cimes" pour découvrir puis rendre accessible de nouveaux espaces de fauche ou de pâtures pour les animaux. La "lecture" du paysage devient et reste passionnante pour le "Via Alpiniste" curieux ! Sous la pluie arrive à PONT DE NANT / 1253 m ... Faute d'autres informations sur la météo, je préfère en rester là pour aujourd'hui... Il y aura des jours meilleurs !




Je trouve une place dans le dortoir de la seule auberge du hameau.... Douche, lavage du linge puis, profitant d'une pause des averses, je fais une visite détaillée du très beau jardin alpin où sont réunies des plantes et des fleurs de toutes les montagnes du monde ! En ce début d'été les massifs sont en pleine floraison... au hasard les pavots, les campanules et autres chardons bleus.
Un groupe de randonneurs français arrivent dans le dortoir et s'installent pour la nuit. Ils arrivent du refuge de DEMECRE mais à cause du mauvais temps n'ont pu passer par le COL DES PERRIS BLANCS.... C'était mon objectif du jour. Il reste mon objectif pour demain !







R 104/105







Cette étape est particulière… Non sans émotion, je vais traverser l’Alpage de Derborence qui n’est pas un endroit comme les autres !
Un éboulement détruisit une grande partie du site au cours du XVIII° siècle et fit de nombreuses victimes dans les mayens de l’alpage…
En 1934, un écrivain suisse Charles Ferdinand RAMUZ écrivit un magnifique récit à partir de cette tragédie. Le beau texte qu’est «DERBORENCE » rappelle le drame mais décrit aussi des scènes de la vie paysanne aux caractères rural et familier. C'est certainement la plus belle œuvre de C.F. Ramuz !
«Derborence, le mot chante doux ; il vous chante doux et un peu triste dans la tète. Il commence par un son assez dur et marqué, puis hésite et retombe, pendant qu’on se le chante encore, Derborence, et finit à vide ; comme s’il voulait signifier par là la ruine, l’isolement, l’oubli. Car la désolation est maintenant sur les lieux qu’il désigne… Et, si loin que le regard porte, il n’y a plus rien que des pierres, encore des pierres, toujours des pierres. Depuis deux cents ans à peu prés.»

Magnifique poème en prose, à lire ou à relire !
Après un solide petit déjeuner je quitte l'hôtel du SANETSCH pour une courte montée en direction de l'Alpage de TSANFLEURON / 2113 m. Je cherche le départ de l'itinéraire vers le Col de SEX ROUGE / 2304 m... un panneau mal orienté indique les grands espaces ! Finalement je me dirige vers les bâtiments de la fromagerie. La traite du matin vient de se terminer et j'interpelle une jeune femme en train de décharger un 4x4. Originaire de Normandie elle partage ses activités entre le travail sur l'alpe et la fromagerie de SAVIEZE, plus bas dans la vallée. Sympa, elle m'invite à jeter un coup d'oeil a la fromagerie ! J'achète quelques fromages  pour la route !  et elle me confirme que le tracé démarre derrière les bâtiments... Peu fréquenté l'itinéraire se repère par un marquage sur les rochers et quelques piquets rouge et blanc… aux couleurs conventionnelles.
Après quelques hésitations, j'arrive à repérer quelques traces pour suivre le bon itinéraire le long d’un talweg ou coule un torrent dans son lit sablonneux, légèrement à droite des bâtiments. J’essaie d'avoir plusieurs repères visuels afin de faciliter le cheminement sur ce qui ressemble à un lapiaz. Pas evident avec ce grand soleil qui éclaire vivement ce vaste paysage !
Je poursuis sous un petit ressaut rocheux. Beaucoup de petits névés obstruent toujours la trace et ralentissent la marche. Arrivé à une bifurcation sous un gros rocher, je n’ai pas le choix : Le sentier disparait sous une longue et haute congère . Il  me faudra  remonter une importante et raide plaque de neige en creusant des marches à grands coups de pieds et en m’aidant des bâtons ! Connaissant les risques et les dangers de traversées de plaques de neige , j'aborde ce passage avec précaution  !
Arrivé en haut de ce passage délicat, j'aperçois enfin le col que j'atteindrai après avoir traversé un autre lapiaz , puis une belle pelouses alpine et finalement remonté un nouveau et grand névé.
Petit arrêt casse croûte, quelques photos et c'est la descente direction GODEY / 1374 m et DERBORENCE / 1458 m. J'atteins le fond d'un vallon pour partir dans une mauvaise direction... la trace située au fond d'une courte combe disparaît sous la neige ! Courte remontée au milieu de lys blancs pour arriver sur un petit replat avec quelques vieux chalets. Je continue sur un vieux chemin d'alpage.

La descente continue d'abord par la traversée d'une pente très raide au dessus d'une falaise que je descendrai par une fissure équipée de cordes et d'échelles... Passage délicat, raide et impressionnant à ne pas emprunter par temps humide...Ce premier jour est presque une journée initiatique !
La suite est une succession de lacets sur un sentier pentu et pierreux, sous un chaud soleil, avant une longue traversée au dessus d'un lac de barrage pour atteindre GODEY, en principe étape du jour.
Il fait beau et j'ai encore quelques ressources... Je décide de poursuivre jusqu' à ANZEINDAZ / 1888 m, la prochaine étape qui est à 3 / 4 heures de marche. Traversant la belle forêt qui s'est développée sur le gros éboulement de DERBORENCE et qui fait l’objet d’une protection particulière, je fais quelques photos de fleurs et surtout le plein d'eau sur le bord d'un petit torrent descendu tout droit des DIABLERETS dont j'aperçois l'impressionnante corniche de neige !






Après une agréable montée dans un sous bois de mélèzes, la trace rejoint le torrent du CHEVILLETAL avant de le traverser au niveau de l'alpage du GRENIER. Le sentier s'élève rapidement avec de raides et grands lacets pour franchir une brèche sous une cascade puis rejoindre le vaste plateau qui donné accès au PAS DE LA CHEVILLE / 2025 m, col tranquille sous les hautes falaises des DIABLERETS à proximité duquel j’aperçois deux petits renards et leur mère !
C'est dans ce vaste espace de pâturages, au milieu de très nombreux troupeaux et de leurs sonnailles que je termine cette journée de marche, un peu fatigué en ce début de VIA ALPINA !
Je fais le tour du hameau d’alpage pour chercher un hébergement. Faute d'autre solution, je rejoins le refuge GIACOMINI... Ce soir, c'est le seul refuge ouvert mais c'est également le plus cher ! Accueil très cordial et agréable, soupe aux croûtons puis douche.... Le gardien est étonné et s'inquiète de la faible affluence en ce début d'été . En effet, je suis seul dans un grand dortoir. La nuit sera calme .


R 104

Retour à STEIG sous un ciel menaçant mais qui parait s'améliorer rapidement. Serait enfin le beau temps, En effet, la météo a largement retardé la date du départ et aujourd'hui j'ai l'impression de reprendre l'itinéraire en marche...
 Bien sur pour ce nouveau départ il me manque de bonnes sensations et quelques marques ! Au fond de moi, je suis certain que quelques dénivelés à quatre chiffres, un ou deux sentiers un peu cassants et les premières hésitations sur l’itinéraire devraient largement faire l’affaire pour être à nouveau sur la VIA ALPINA.

Un peu goguenard et amusé, je regarde les autres voyageurs qui prennent également le train. Evidemment ils ont tous des valises et des billets...Normal, ils partent en Suisse ! Venant de Genève et après un premier et court arrêt à Montreux, je reprends le sac à l’arrêt du Car Postal… direction le Col du SANETSCH où j’ai prévu de faire étape.... 1100 mètres au dessus ! Le sentier démarre à proximité d'un petit téléphérique dont les installations sont un peu masquées par de grands arbres !
Petit moment d'hésitation. Bon, il faut y aller! Le chemin forestier grimpe rapidement au travers de la forêt en direction de la faille de ROTE GRABEN puis déroule ses lacets pour traverser quelques raides ressauts rocheux. Autrefois ce passage était emprunté par les habitants des vallées voisines pour leurs échanges ou pour faire paître le bétail et le tracé est taillé en conséquence, y compris dans la roche.

Je monte régulièrement sous la chaleur de cette fin d'après midi... un peu pénible la mise en jambe ! Je lève la tête et aperçois enfin  le ciel devant moi et la gare du téléphérique un peu sur la droite... Puis voilà le barrage et sa retenue d'eau et enfin tout au fond le Col du SANETSCH. Je longe le lac sur la rive gauche en marchant sur la route de service pour traverser le Col en laissant sur la droite deux bâtiments d'alpage utilisés pour la fabrication de fromages. Légèrement en contrebas, j'aperçois l'hôtel du Sanetsch. L'accueil est chaleureux... et la bière fraîche ! Ce soir je serai seul dans le dortoir. Douche puis un bon plat de pâtes sur la terrasse face aux grands sommets du VALAIS dont le CERVIN et la DENT BLANCHE. En principe, c'est parti pour MONACO!