Vanoise

Vanoise
Au Col Rouge

dimanche 2 septembre 2012

R149



Après une dernière volée de marches gravies d'un pas un peu lourd,  me voilà enfin sur la terrasse du refuge. Assis sur un banc pour m'habiller d'une polaire et ôter les chaussures, je lève tranquillement la tète pour admirer, avec le regard posé d'une fin d'étape, le paysage marqué par la brume qui accompagne la fraîcheur prenant ses quartiers du soir sur l'Alpe que je viens de parcourir.
Voilà encore une magnifique journée de randonnée. Je termine l'étape au Refuge Pietro GARELLI / 1970 m où je vais dormir ce soir ! J'avais quelques scrupules à réussir cette longue étape spectaculaire... peu de renseignements sur le topo  mais de nombreux points à lire sur la carte, or je n'en ai toujours pas, et enfin pas de solution ou de possibilité de halte intermédiaire !
 

Aujourd'hui j'ai parcouru une longue étape dans un paysage minéral et sauvage fait de crêtes  de cols, de plateaux et de chemins muletiers désertiques et désertés par les hommes. De tels endroits que l'on ne devrait parcourir qu'un fois car ils sont uniques, pour tout retenir et  ne jamais oublier, sont très évocateurs et finalement ne nous sont pas inconnus. En effet, comment ne pas penser au roman "Le Désert des Tartares" de Dino BUZZATI  et au jeune Lieutenant Giovanni Drogo dans ces paysages d'où peuvent surgir des fortifications, des redoutes au détour d'un chemin, au débouché d'un col ou encore au fond de l'horizon.... à l'image du vieux Fort Bastiano, isolé à la frontière entre le Royaume et l'invisible Etat du Nord, pays séparés par un désert énigmatique et mystérieux. 



Aujourd'hui ce sont ces paysages que je vais traverser... et Drogo que j'apercevrai, auquel je penserai ? Peut-être... si j'ai le temps.
 La journée pourrait débuter comme une lecture des premières pages du livre :
"On ne voyait pas le bout de la route. De temps en temps, à un coude de la vallée, on apercevait devant soi, très haut, taillée dans des pentes raides, la route qui grimpait en zigzag. Parvenu à l'endroit qu'on avait aperçu, on levait la tête vers le haut, et l'on retrouvait encore devant soi, toujours plus haut, la route."
Reposons le livre... le temps presse !
Je quitte Limonetto pour remonter au Col de TENDE / 1869 m. Une des filles de la propriétaire propose de me conduire jusqu'au prochain carrefour, point de départ du sentier qui remonte vers le Col... déjà traversé hier !




Arrivé sur la crête qui marque la frontière, je prends la direction du Colle PERLA / 2070 m remontant quelques pentes équipées de remontées mécaniques. Heureusement ce seront les seules de la journée ! La  trace s'enroule ensuite dans les pentes supérieures de deux vastes vallons avant d'arriver à ce premier col. Je croise et salue un groupe d'ouvriers affairés à remonter le vieux mur de pierres bâtit à l'amont de la piste et par endroits affaissé. Ce sera la seule rencontre de la journée sur un itinéraire également déserté par les randonneurs. Poursuivant sur ce chemin muletier autrefois largement emprunté par les militaires, je rejoins un pas étroit, situé au Nord et en contrebas de la Cime du BEC /2307 m. J'hésite sur la suite de l'itinéraire et décide de continuer sur le même chemin... A priori,  il conduit au Col della BOARIA / 2102 m après un large crochet par le nord. Quelques aménagements et en particulier des murs de soutènement réalisés dans des pentes raides confirment l’intérêt militaire de ce secteur et expliquent les importants travaux réalisés lors de la construction de la piste. Quelques vieux casernements écroulés marquent l'arrivée au col dans un environnement austère, fait de roches et de pelouse alpine déjà jaunie.


Petite pause sous un chaud soleil. Ce matin, j'ai fait un grand plein d'eau. C'est un peu lourd mais je dispose ainsi de boissons en relative abondance et pourrai aller au terme de l'étape sans difficulté !
Retour à la piste pour traverser les pentes supérieures d'un nouveau vallon avec une orientation sud-nord puis passer à droite de La Tête CHAUDON / 2387 m avant d'atteindre un nouveau point, le Colle PIANA / 2214 m, non loin du Refuge "Capanna MORGANTINI " / 2316 m refuge fermé et situé au milieu
d'un vaste espace de pierres et de lapiaz  .


Le paysage est désertique et l'ambiance sauvage... Sur ce vaste plateau calcaire, aucun arbre, rien  n'accroche le regard pour dissiper cette impression d'isolement et de solitude. Un vieux chemin militaire et quelques murets tracés dans le paysage renforce encore ce sentiment d'un lieu désormais abandonné par les hommes... Quelques edelweiss essaient de faire bonne figure, mais c'est bien sec !


Il est clair désormais que je quitte les grandes Alpes, massifs de forts dénivelés dans d’étroits et raides vallons pour des espaces davantage ouverts et dégagés avec un couvert végétal différent et souvent moins dense à cette altitude.  Je suis vraiment seul sur ce chemin muletier puis sur le sentier qui descend au Gias dell'ORTICA, petite dépression verdoyante au milieu de ce grand espace vide !


Autrefois, cet alpage a dû être occupé. Il  en reste une trace sous la forme d'une petite étable à moitié enterrée, faite de murs et d'un toit de pierres.


Retour sur l'itinéraire pour lire des informations contradictoires sur deux panneaux situés à quelques centaines de mètres d'intervalle... Les temps de marche jusqu'au point d'étape du jour, le Refuge GARELLI présentent une différence de plus d'une heure ! Le soir le gardien me confirmera qu'il y a bien une erreur et qu'il l'a déjà maintes fois signalé... mais sans succès. La meilleure solution serait d'enlever le panneau qui
porte les indications erronées... Un simple tournevis devrait faire l'affaire ! 







Le sentier prend alors une direction ouest en direction du Passo del DUCA / 1989 m, en traversant quelques bosquets, puis des bois de pins nains. L'air est chargé d'agréables senteurs de résine. Une raide mais courte montée me conduit a ce dernier col de la journée, en fait un passage étroit qui s'ouvre sur d'autres vallons et me fait plonger sur un autre massif. L'horizon se charge de nuages... brumes ou orages en devenir ?


A partir du col et en quelques lacets, je rejoins une épaule rocheuse... Moment d'interrogation et de doute quand j’aperçois à mes pieds la trace descendante du sentier pour rejoindre le bas du Vallone del MARGUAREIS au point d'intersection avec une autre trace. L'ambiance austère devient plus lourde avec tous ces nuages qui s'accrochent aux sommets voisins .


Arrivé au fond du vallon, nouvelle montée, une dernière pour rejoindre le refuge que je n'ai pas pu apercevoir lors de la descente. Il est certainement dans la brume... ou encore très loin  !
Longe et raide parcours sur la rive gauche du torrent, à proximité de cabanes de bergers, sur un sentier pierreux, cassant et dégradé par le troupeau qui doit être beaucoup plus haut. Je poursuis tout en regardant l'altimètre et le temps qui passe. Cette impatience n'est pas bon signe !
J'atteins enfin un plateau où est posé un petit lac noyé dans la brume. Un vieux panneau en bois signale le sentier pour le refuge. Il n'y a guère de visibilité mais je poursuis dans le brouillard en direction de sonnailles, toujours plus haut... Le refuge est peut-être au dessus. Bizarre les traces du sentier deviennent peu  marquées !
Je suis stoppé dans mon élan par les aboiements énergiques et l'attitude déterminée du gros chien blanc qui surveille le troupeau. " Ici on ne passe pas" dit-il en aboyant une nouvelle fois. C'est un gros chien de race PASTOUR, à l'origine chien de montagne des Pyrénées. Désormais cette race surveille et protège les troupeaux de moutons des attaques du loup. Or, le loup est présent dans la région !
Grâce au chien, je retrouve le bon sentier qui repart sur l'autre versant du vallon avant de déboucher sur un alpage presque plat, qui commence a être envahi par la brume. Le toit  très pentu du refuge apparaît.  Je termine une très belle étape.


Je me présente au gardien qui me conduit au dortoir tout en donnant quelques consignes ou recommandations, conditions indispensables à un bon séjour dans le refuge, heures des repas, menus, propreté des lieux etc...


J'apprécie tout particulièrement le confort et la qualité de l'accueil des refuges Italiens du C.A.I. Des travaux ont souvent été réalisés : douches chaudes, wifi gratuit disponible, petits dortoirs confortables fréquemment ouverts même pour un seul randonneur. Petit geste d'attention toujours bien apprécié !
Quant à la nourriture, elle est à la fois variée, abondante, bien adaptée au régime alimentaire et à la diététique du randonneur.
Après la douche, je lave quelques vêtements puis je rejoins le coin repas pour partager la table avec un couple de français qui parcourent également la Via Alpina.
Au menu cappelletti servis dans un bouillon chaud, assiette de viande et de charcuterie puis fromage et dessert. C'est très bon !
La nuit est tombée sur le refuge désormais isolé dans la brume. Ce soir le lieutenant DROGO est présent sur les remparts du Fort BASTIANO, tout là-haut sur la frontière...
A proximité de LIMONETTO peut-être ?
Ce soir encore DROGO veille, il attend... Ce soir DROGO s'emmerde !
Moi ? je vais dormir...

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